Le parcours d’Alessandro Allori en tant qu’artiste est une histoire de résilience, d’innovation artistique et de compétence technique. L’histoire d’Allori ne concerne pas seulement le génie individuel, mais aussi le milieu culturel riche et complexe du Florence de la Renaissance, un creuset de talent et d’innovation artistique.
Né en 1535, Alessandro Allori fut orphelin à l’âge de cinq ans. Bronzino, qui était un ami proche de son père, prit le jeune Alessandro sous son aile, lui fournissant non seulement un foyer, mais aussi une éducation artistique qui allait façonner son avenir. Bronzino, qui considérait souvent Allori comme son neveu, le favorisait par-dessus tout. Lui-même disciple de Jacopo Pontormo, Bronzino était connu pour ses portraits élégants et ses œuvres religieuses qui combinaient un dessin précis avec une élégance et une stylisation quelque peu froide, caractéristiques du maniérisme. Sous sa direction minutieuse, Allori allait apprendre l’importance de la précision anatomique, une compétence qui deviendrait une marque de fabrique de ses propres œuvres.
Allori a ainsi imprégné le style de son mentor avec ses propres sensibilités. Il a développé un sens du relief dans ses peintures, caractérisé par une palette de couleurs émaillées qui dépeignait souvent une certaine froideur, et un éclairage inhabituel qui prêtait à ses œuvres une qualité presque surnaturelle. Pour honorer son mentor et père adoptif, Allori allait intégrer le nom de Bronzino dans sa propre signature, continuant la pratique même après la mort de son maître.
Signature / ©RES
Les années 1580 ont constitué une période significative dans la carrière d’Allori. Il commença à superviser un grand atelier, témoignant de sa réputation grandissante. Cette période coïncidait avec le décès de Bronzino et de Giorgio Vasari, laissant Allori comme l’un des principaux acteurs de la scène artistique florentine. C’était également pendant les années 1580 que le motif du Christ mort devenait un thème récurrent dans l’œuvre d’Allori. Cela reflétait l’atmosphère religieuse et culturelle de la Contre-Réforme, une période marquée par une résurgence de l’art religieux visant à inspirer la dévotion et l’adhésion à la foi catholique. Dans ce contexte, la représentation du Christ et des figures religieuses par Allori prenait une profondeur émotionnelle et spirituelle.
Réflectographie infrarouge / ©RES
L’une des œuvres notables d’Allori de cette période est la peinture exposée à Chantilly, qui représente un ange montrant à Saint François d’Assise le corps du Christ peu après sa déposition de la croix. Cette peinture est un exemple quintessentiel du talent d’Allori à combiner des détails complexes avec une expression émotionnelle profonde. La figure de Saint François, représentée dans un état de connexion extatique avec le divin, est une puissante représentation de la ferveur spirituelle qui caractérisait la Contre-Réforme.
Dans cette peinture, la représentation anatomique du Christ est particulièrement remarquable. La profonde compréhension de l’anatomie d’Allori, aiguisée sous la tutelle de Bronzino, est évidente dans la représentation vivante de la figure du Christ. L’attention aux détails est encore exemplifiée dans la broderie complexe du coussin de velours, qui ajoute une riche texture à la composition.
Relevés / ©RES
L’utilisation de la réflectographie infrarouge a fourni des informations fascinantes sur le processus de l’artiste, révélant la présence d’un dessin préparatoire détaillé sous la peinture, exécuté à main levée avec du charbon de bois. Cette couche préparatoire montre des repentirs significatifs dans la composition, en particulier dans le positionnement et les détails du visage, des bras et des jambes du Christ.
De plus, l’analyse infrarouge a mis en lumière des modifications dans les ailes de l’ange et dans les mains de Saint François, suggérant une vision créative dynamique et évolutive. La signature d’Allori a également été révélée, ajoutant une autre couche de compréhension à cette œuvre remarquable.
Le travail d’Allori, en particulier dans la dernière partie de sa carrière, reflète un engagement profond avec les changements religieux et culturels de son temps, alliant l’excellence technique à une résonance émotionnelle et spirituelle profonde. Son langage visuel unique, caractérisé par une précision anatomique et une utilisation frappante, presque éthérée de la lumière et de la couleur, le marque comme une figure significative dans la transition du maniérisme au début du baroque.
Les aperçus obtenus grâce à la réflectographie infrarouge ne font pas seulement avancer notre compréhension du processus créatif d’Allori, mais illustrent également la nature évolutive de la création artistique, où chaque couche de peinture et chaque ligne modifiée racontent une histoire de décision et de révision. L’héritage d’Alessandro Allori ne réside pas seulement dans ses œuvres d’art mais aussi dans son approche de l’art en tant que pratique dynamique et évolutive. Ses contributions à la scène artistique florentine, sa capacité à s’adapter et à se développer au sein du milieu artistique rapidement changeant de la Renaissance tardive, ainsi que son influence sur les générations suivantes d’artistes cimentent sa place en tant que figure pivotale dans l’histoire de l’art.
D’après l’image infrarouge fausses couleurs (IRFC) de la couche picturale, nous pouvons supposer que le ciel et le drapé sont peints au lapis-lazuli (apparaissant en rose sur le cliché IRFC).
L’assise sur lequel le christ est allongé et les détails du drapé bleu semblent contenir une laque rouge d’origine naturelle (pigment qui apparait en orangé sur l’image IRFC). On retrouve également des terres, du blanc de plomb, des laques vertes. La palette est relativement restreinte mais les couleurs sont appliquées plutôt pures comme c’est le cas pour le lapis-lazuli.
Réflectographie infrarouge fausse couleur / ©RES
Alessandro Allori, Un Ange montre à saint François d’Assise le Christ détaché de la croix, 1583, huile sur toile, Château de Chantilly – Musée Condé.